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Les effets de la pollution lumineuse sur l’orientation et le comportement des abeilles

Les effets de la pollution lumineuse sur l’orientation et le comportement des abeilles

Les effets de la pollution lumineuse sur l’orientation et le comportement des abeilles

Pollution lumineuse : un enjeu sous-estimé pour les abeilles domestiques

La pollution lumineuse, encore mal connue du grand public, a des effets considérables sur de nombreuses espèces nocturnes. Parmi les plus touchées, on trouve les pollinisateurs, et notamment les abeilles. En tant qu’apiculteur actif dans le Luxembourg et le Nord de la France, il devient essentiel de comprendre l’influence de l’éclairage artificiel de nuit sur l’orientation des abeilles et leur comportement.

Dans le contexte actuel de perte de biodiversité et de pression environnementale, il est impératif de s’intéresser au rôle joué par les sources lumineuses artificielles, en particulier dans les zones périurbaines où l’éclairage nocturne est en constante augmentation.

Comprendre l’orientation des abeilles : un sens fondamental perturbé

Les abeilles, notamment l’Apis mellifera, utilisent plusieurs repères pour se déplacer et retrouver leur ruche. Elles se servent de la lumière du soleil, du champ magnétique terrestre, des repères visuels et de la position du soleil dans le ciel grâce à une horloge interne extrêmement précise.

Lorsque la lumière artificielle est trop présente, surtout à des horaires proches du crépuscule, elle désoriente les butineuses. Elles peuvent :

Cette désorientation augmente le taux de mortalité des butineuses et affaiblit l’ensemble de la colonie. Les ruches situées près d’espaces éclairés (routes, entrepôts agricoles, parkings, zones industrielles ou villages) subissent donc un stress chronique peu visible à l’œil nu mais tangible pour l’apiculteur attentif.

Les effets sur le comportement des abeilles et de la colonie

Outre l’orientation, la pollution lumineuse influe sur plusieurs aspects du comportement des abeilles. Le rythme veille-sommeil des abeilles est perturbé, ce qui altère leurs cycles de repos et donc leur efficacité au travail.

Dans certaines observations, il a été noté :

Cette perturbation de la micro-organisation de la ruche peut sembler mineure de prime abord, mais elle a des répercussions concrètes à moyen-terme : production de miel réduite, colonies plus faibles face aux maladies, essaimages prématurés ou inadaptés.

Incidence de la lumière artificielle sur le butinage

Le butinage est régulé par l’horloge biologique interne des abeilles. En présence de lumière artificielle, cette horloge est perturbée. Les abeilles peuvent initier leur activité trop tôt ou la prolonger jusqu’à la nuit tombée, s’exposant à des conditions défavorables :

En Europe, et notamment dans les régions du Nord de la France et au Luxembourg, les saisons de butinage sont plus courtes à cause du climat tempéré. Toute altération du rythme naturel impacte directement la capacité des abeilles à constituer des réserves suffisantes pour l’hiver.

Études scientifiques sur la pollution lumineuse et les abeilles

Plusieurs travaux scientifiques ont démontré que les insectes pollinisateurs, y compris les abeilles, modifient leur comportement en présence de lumière artificielle. Une étude menée par l’université de Berne en 2022 a montré que les abeilles exposées à une lumière LED blanche durant la nuit perdaient jusqu’à 23 % de leur efficacité à localiser les fleurs dans les 48 heures suivant l’exposition.

Les chercheurs ont aussi observé une dérégulation hormonale chez les abeilles, entraînant fatigue chronique et désorientation accrue. Ces données rejoignent les expériences de terrain menées par des apiculteurs, qui constatent une baisse d’activité et des pertes plus importantes dans les ruchers proches de zones urbaines.

Pollution lumineuse : un facteur aggravant parmi d’autres

La santé des colonies d’abeilles est aujourd’hui impactée par de nombreux facteurs : parasites (notamment Varroa destructor), pesticides, maladies virales, monocultures agricoles… La pollution lumineuse vient s’ajouter à ces pressions. Bien qu’elle ne soit pas forcément la cause principale du déclin de certaines colonies, elle agit comme un facteur aggravant, épuisant encore davantage les abeilles déjà fragilisées.

Ce point est essentiel à comprendre, car il implique une gestion globale et systémique du bien-être des abeilles. Dans une approche durable de l’apiculture au Luxembourg et dans le Nord de la France, il est nécessaire de prendre en compte tous les paramètres environnementaux, y compris l’éclairage artificiel.

Adaptations et bonnes pratiques pour les apiculteurs

Pour les apiculteurs installés près de zones éclairées, quelques mesures simples peuvent être envisagées pour réduire les conséquences de la lumière sur les ruches :

De plus, certaines technologies d’éclairage LED permettent aujourd’hui de limiter la pollution lumineuse au minimum, en réduisant les longueurs d’onde bleues, particulièrement néfastes pour les insectes. Favoriser ces solutions dans les zones rurales peut préserver une partie de l’écosystème pollinisateur et améliorer les résultats apicoles.

Un enjeu crucial pour l’apiculture locale et durable

Dans une région comme le Grand Est et le Luxembourg, où l’apiculture artisanale est encore vivace, il est essentiel de regarder au-delà des problématiques classiques de gestion de ruche. La pollution lumineuse doit être intégrée comme un paramètre sensible de l’environnement apicole.

Comprendre ses effets, observer ses manifestations sur les colonies et adapter ses pratiques sont aujourd’hui des leviers concrets pour maintenir des abeilles en bonne santé, tout en contribuant à un retour à une gestion écologique de notre territoire. Pour les apiculteurs urbains ou périurbains, mais aussi pour les municipalités, l’éclairage nocturne mérite donc d’être reconsidéré à la lumière des enjeux environnementaux.

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